Les dangers du militantisme performatif, et comment l’éviter
L’année dernière, nous avons assisté à une éruption du militantisme sur les médias sociaux. Qu’il s’agisse de collecter des fonds sur des comptes GoFundMe ou de sensibiliser le public à des enjeux qui, autrement, resteraient ignorés, l’essor du militantisme sur les médias sociaux est une source d’inspiration. Mais comme tout ce qui se trouve sur Internet, il a ses inconvénients. Dans la culture du militantisme en ligne, on trouve ce que l’on appelle le « militantisme performatif », particulièrement répandu dans les organisations et institutions puissantes. Les jeunes savent qu’au-delà des actions individuelles, les actions des grandes entreprises et des organisations puissantes parlent fort et devraient montrer la voie de l’impact, et ils veulent voir les institutions qui les entourent investir dans les enjeux qui leur tiennent à cœur. Pour impliquer les jeunes de manière significative et leur assurer que leur voix compte, les organisations doivent savoir comment éviter le militantisme performatif. Alors, parlons-en.
Qu’est-ce que le militantisme performatif?
Le militantisme performatif, également appelé cybermilitantisme, est un militantisme de surface. Il s’agit d’une personne ou d’une organisation qui publie des messages sur les médias sociaux à propos d’une question d’actualité, mais qui ne donne pas suite à une action significative. En d’autres termes, faire preuve de solidarité en ligne pour avoir une influence sociale, mais ne pas soutenir véritablement une cause. Un exemple notable du militantisme performatif est celui des célèbres publications de carrés noirs qui ont brièvement envahi Instagram l’été dernier. #BlackoutTuesday, comme on l’a appelé, était un mouvement en ligne lancé par deux femmes noires de l’industrie musicale, Jamila Thomas et Brianna Agyemang. Ces femmes ont demandé à leurs collègues d’interrompre leurs activités pendant une journée afin de reconnaître que les talents noirs sont souvent exploités dans le secteur. Mais lorsque le #BlackoutTuesday est arrivé, il a rapidement fait boule de neige en devenant une campagne à l’échelle d’Instagram, et les fils d’actualité ont bientôt été inondés de rien d’autre que de carrés noirs. Beaucoup de personnes ont vu dans ce carré un moyen de montrer leur solidarité avec le mouvement Black Lives Matter, mais n’ont pas pris le temps de voir ce que l’action représentait.
Les mots-clics #BlackLivesMatter et #BlackoutTuesday ont rapidement été remplis de millions de carrés noirs, remplaçant ainsi les informations importantes sur le mouvement qui avaient été partagées précédemment sous ces mots-clics. La plupart des personnes qui affichaient des carrés noirs essayaient simplement de montrer leur soutien, mais leur affichage mal informé a entravé le mouvement en bloquant des ressources essentielles. Dans cette situation, les gens ont affiché à la hâte un carré noir pour assurer à leurs partisans qu’ils soutenaient le mouvement, mais ils n’ont pas fait le travail pour le soutenir réellement. L’été dernier, le militantisme performatif s’est intensifié et de nombreuses entreprises, organisations et institutions de pouvoir ont été interpellées pour avoir publié des articles sur des mouvements sociaux sans pour autant déployer de réels efforts pour les faire avancer.
Comment pouvez-vous savoir si votre organisation est performative?
La frontière entre l’altruisme authentique et le militantisme performatif peut parfois sembler floue. Il est important que votre organisation s’implique dans ce qui se passe dans le monde par le biais des médias sociaux, mais les messages doivent toujours être accompagnés d’actions. Une action, qu’il s’agisse de dons monétaires en coulisses ou de la diffusion d’informations par le biais de vos messages, est nécessaire pour que votre message soit un véritable militantisme.
Essayez de savoir à quel moment vous vous exprimez sur des enjeux, afin de ne pas publier uniquement lorsque c’est populaire de le faire. Les organisations le font souvent pendant le mois de la Fierté. La Fierté a commencé comme un mouvement populaire de membres de la communauté LGBTQ+ pour protester contre l’oppression systémique, mais au fil des ans, elle est devenue une célébration d’entreprise grand public. Chaque année, à l’approche du mois de juin, nous voyons des organisations vendre des produits sur le thème de la Fierté et incorporer le drapeau de la Fierté dans leurs logos. Mais une fois le mois de la Fierté terminé, les organisations n’agissent pas pour la communauté LGBTQ+. Les jeunes ont remarqué que la Fierté est devenue un spectacle de soutien performatif de la part des entreprises, ce qui a les conduits à être sceptiques quant aux intentions des organisations lorsqu’il s’agit de mouvements sociaux.
Comment votre organisation peut-elle publier sur des sujets importants sans être performative?
En bref, soyez intentionnel dans vos publications. En tant qu’organisation cherchant à montrer un soutien authentique aux enjeux qui vous tiennent à cœur, voici quelques conseils à garder à l’esprit lorsque vous publiez sur les médias sociaux.
Amplifier les voix des communautés marginalisées.
De quelle manière vos campagnes de médias sociaux peuvent-elles impliquer les membres des communautés dont vous parlez? Lorsque vous publiez des informations sur des sujets sensibles, il est important que les organisations ne parlent pas au nom des personnes qui sont touchées par ces problèmes. Amplifiez ces voix en offrant des opportunités rémunérées à des personnes qui ont une expérience et une connaissance du problème en question et qui peuvent utiliser votre plateforme pour en parler, au lieu de publier automatiquement sur les médias sociaux parce que vous pensez que c’est la bonne chose à faire.
Réfléchissez à la manière dont vous pouvez aborder cette question au sein de votre organisation.
De quelle manière le mouvement sur lequel vous publiez est-il lié à la culture de votre organisation? Réfléchissez à la manière dont vous pouvez remédier aux inégalités dans votre propre système qui peuvent se refléter dans le mouvement que vous essayez de soutenir. Si vous n’êtes pas sûr de vous, demandez l’avis des membres de votre organisation et prenez-le au sérieux.
Ne supposez pas que publier est suffisant.
Les infographies qui visent à expliquer des sujets tels que le racisme systémique ont peut-être la bonne intention, mais elles ne font pas le travail de mise en œuvre d’un véritable changement. Si la diffusion d’informations est toujours utile, les sujets urgents méritent une action au-delà des médias sociaux. Réfléchissez à la façon dont votre organisation peut apporter une aide concrète et, dans la mesure du possible, publiez des informations sur la façon dont votre organisation travaille en coulisse pour résoudre le problème.